Au cœur de la Côte d’Ivoire, à la jonction entre la savane arborée et la forêt, vivent les Yohouré, entourés de peuples voisins plus nombreux et connus, les Gouro et les Baoulé, dans l’ombre desquels ils ont longtemps été maintenus, et plus loin, les Sénoufo, les Dan, les Dida et les peuples lagunaires. Alors que la production yohouré de masques et de statuettes a séduit artistes et collectionneurs européens dès le début du XXe siècle, c’est seulement aujourd’hui que le peuple yohouré et sa culture sont le sujet d’une publication anthropologique. Le professeur Alain-Michel Boyer, qui étudie les Yohouré depuis les années 1970, publie en effet le résultat de ses recherches à l’occasion de cette exposition. Cet ouvrage paraît sous les auspices de la Fondation culturelle musée Barbier-Mueller avec le soutien de Vacheron Constantin, qui a pour mission de sauvegarder par l’écrit la mémoire de cultures menacées de disparition.
La production de masques et de statuettes yohouré est remarquable. Qu’il s’agisse de masques faciaux assimilables à des portraits ou se signalant par leur extrême raffinement, ou de masques-heaumes montrant des têtes de buffles stylisées, ces pièces évoquent les danses masquées, rituels fondamentaux souvent liés à la mort. Aux yeux des Yohouré, les masques sont si sacrés et donc perçus comme dangereux qu’ils ne peuvent être vus par les femmes au risque qu’elles soient frappées de stérilité voire de mort.
Quant aux statuettes, elles relèvent de deux types. Les premières accueillent des génies de la nature qui donnent à des guérisseurs un don de clairvoyance. Les secondes sont destinées à l’époux ou l’épouse de l’autre monde, un conjoint mystique que toute personne a eu dans une vie antérieure. Divers problèmes (stérilité, infidélité, impuissance) sont attribués à la jalousie de ce partenaire abandonné. La statue sculptée pour ce conjoint, par sa beauté et sa finesse, est censée charmer ce dernier mais aussi la personne qui la manipule.
À découvrir également les oracles à souris, que les Yohouré et les Baoulé consultent matin et soir pour déterminer les tâches de la journée mais aussi les grandes décisions, et les cuillers, les tambours et les sièges qui attestent du même souci de la beauté esthétique qui émane de l’ensemble de cette production.